Je m'appelle Howard James Taylor, je suis né en 1989, j'ai déjà 26 ans, je crois... Je viens de déménager à Londres mais je suis originaire de Cambridge. Je suis le fils unique d'une famille très aisée et très à cheval sur les traditions. J'irai même jusqu'à dire qu'ils sont dépourvu de sensibilité, tout ce qui compte c'est le profit, et la sauvegarde des valeurs familiales. Ils ont fait fortune dans la le milieu funéraire de génération en génération, plusieurs membres de ma famille font partie du « British Institue of Embalmers ». La mort ne me fait pas peur, elle fait complètement partie de mon quotidien, j'ai toujours vu mes parents préparer un défunt dans un cercueil aussi naturellement que de préparer un sandwich.

Pour satisfaire les espérances de mes parents j'ai bien sur suivi un cursus scientifique à Cambridge, puis j'ai fait mes études de thanatopraxie au "British Institue of Embalmers" à Solhull, qui se situe environ à deux heures de ma ville natale. Cependant, après l'obtention de mon diplôme universitaire, j'ai tout quitté et j'ai écouté mes propres désirs, à savoir devenir fleuriste. D'un seul coup je me fichais pas mal de l'honneur, de mon nom célèbre, et de l'entreprise familiale. Je voulais vivre MA vie comme je l'entendais, mettre un peu de douceur et de gaieté dans mon quotidien qui avait été trop longtemps terni.

Quand j'étais petit, mon Père me frappait pour me faire comprendre qu'il ne fallait pas que je froisse mes belles chemises, que je défasse mes cheveux longs, soigneusement peignés. J'entends encore sa grosse voix menacent qui m'ordonnait de vouvoyer ma mère.  J'ai toujours été... différent de mes camarades à l'école, je le sentais malgré mon jeune âge. Les autres se moquaient de mon prénom démodé, de ma coiffure, de mes blazeurs gris, de mes chemises cousues de froufrous inutiles, de mes petites chaussures cirées, de mon petit cartable carré. Plus aucun enfant ne s'habillait ainsi, même dans cette école primaire de Cambridge. On aurait dit que je provenais tout droit du 19ième siècle! La maitresse avait beau gronder les autres, c'était toujours moi le bouc-émissaire, et puis au final c'était devenu une habitude! On m'a toujours regardé avec des yeux moqueurs et plein de jugement, alors quand je marchais les épaules basses, la tête enfoncée dans mon col en rentrant à la maison, je me prenais une habituelle correction car mon Père me trouvait tout avachit.

Aujourd’hui la cicatrice invisible à l'intérieur de moi s'ouvre béatement parfois, et toutes les blessures du passé prennent l'air à nouveau en infectant tout mon corps. Alors je fais ce que je peux pour prendre sur moi, pour ne pas me laisser abattre.


Ensuite j'ai été violemment chassé de la maison par mes parents. J'étais une honte à leur rang et à leur nom, parait-il. Ben oui, voyons les choses en face, lâcher un si grand avenir pour devenir "simple fleuriste"! J'ai toujours aimé les plantes, leurs parfums, leurs couleurs, leurs silences... Je peux leur raconter ma triste existence, partager avec elles mes secrets, mes craintes, des banalités sans nom, elles ne bronchent pas, elles écoutent mes lamentations et mes minces moments d'allégresse.  J'estime que je leur devais bien ça!  Je ne sais pas si je serai fleuriste toute ma vie, mais si je veux me reconvertir, je suivrai sans doute mon destin. Taylor... Avec un nom pareil, je serai thanatopracteur sans le moindre obstacle...!

Je soupçonne mes parents de m'avoir déshérité également à cause d'Edgar Anderson... Lui c'était mon meilleur ami, mon seul ami....  C'est vrai que notre relation n'était pas toujours au beau fixe, on s'engueulait à longueur de temps, on se faisait la gué guère mais je n'avais que lui, et lui, malgré touts ses conquêtes féminines et sa popularité, il n'avait que moi également. Il m'a tout bonnement abandonné... Il n'a rien trouvé de plus intelligent à faire que de se suicider ce crétin fini ! Je ne sais plus si je dois le haïr ou l'adorer... Il est enterré à Londres dans le même cimetière que ses parents. Je l'ai donc suivi là-bas et j'essaye de réapprendre à vivre, même si désormais... Plus rien n'a d'importance... Edgar m'aura au moins initié aux plaisirs de l'illégalité, je n'ai plus que ça pour me consoler, pour me faire oublier que son absence me dévore la peau.