« Charlie ? Mais où est-elle encore passée ?! » La mère de la dénommée Charlie soupira longuement, allant se rassoir sur son canapé. Elle était désespérée avec cet enfant qui ne l'écoutait jamais. Charlie aimait sortir, courir dans l'herbe pendant des dizaines et des dizaines de mètres, aller chez le voisin pour emprunter une jument quelques heures. C'était le quotidien de Baby Charlie, si on oublie les cours à l'école primaire qui était assez loin de chez elle, et elle aimait son quotidien, même si elle rendait sa mère folle d'inquiétude. Charlie était fille unique, elle était bien connu dans le voisinage. Elle avait un petit groupe d'amis et ils étaient toujours ensemble. Et encore ce jour là, alors que sa mère la cherchait, Charlie était encore avec ses amis en train de courir dans les rues de la ville. « Tu es impossible, Charlie ! Va te laver et te changer, tu es toute sale ! » La voix de la mère résonna dans toute la maison, sous les petits rires innocents de Charlie, alors qu'elle courrait vers la salle de bain pour obéir à sa mère. Arrivée dans la salle de bain, elle se regardait dans le miroir. Elle était couverte de poussière, partout, sur tous ces vêtements, et même sur ses mains et son visage. La fillette avait vraiment une sale tête avec ses cheveux ébouriffés. Mais elle s'en fichait, elle était tellement contente de faire ce qu'elle voulait dehors, elle oubliait de quoi elle avait l'air. Elle resta un petit moment devant le miroir, pour observer de quoi elle avait l'air, ce qui lui arracha un sourire. Sa mère avait raison, elle était impossible. « Charlie, on passe bientôt à table, dépêche toi ! » Elle se dépêcha d'enlever toute ses affaires et de grimper dans la douche pour se débarbouiller, histoire de ressembler à quelque chose. Elle savait bien qu'elle allait passer un sale quart d'heure si elle n'obéissait pas à sa mère, et elle n'avait pas envie de cela. Alors, après avoir pris sa douche, elle mit une serviette pour aller dans sa chambre, et ainsi enfiler un pyjama. Elle prit son seul pyjama féminin, rose (quel cliché!) et descendit à la salle à manger, toute contente d'aller manger. Son père était déjà attablé, il regardait sa fille en souriant. « Baby Charlie ressemble à une vraie petite fille comme ça. » La fillette fit un mince sourire, néanmoins vexée par les paroles de son père. Même poussiéreuse, elle était une fille, une vraie fille. Mais bon, peu importe. Les clichés, les artifices, la superficialité, ce n'était pas pour elle.

Faisons donc un bond dans le temps.
« Le Japon ? Sérieusement ? » Charlie haussa les sourcils, très surprise de ce que ses parents venaient de lui annoncer. Ils voulaient déménager au Japon, partir très loin de leur maison familiale, leur petit cocon. C'était inconcevable pour Charlie, elle ne voulait pas partir elle. Mais elle allait partir aussi, sans ses parents. Son visage se décomposa quand ses parents lui donnèrent plus de détails. « Vous partez sans moi en plus ?! Je veux pas aller à Londres ! » Quelle injustice, se disait-elle. Pourquoi ses parents partaient sans elle ? Pourquoi elle devait partir ? Pourquoi à Londres en plus ? Bien sûr qu'elle était déjà allée dans des grandes villes, étant enfant, mais ce n'était pas la même chose. Elle n'avait jamais été attirée par les grandes villes, elle aimait sa petite vie, à la campagne. « Tu iras chez ton oncle, et tu nous ramèneras de bons résultats à tes examens. » Alors, c'était sa punition ? Comme elle séchait tout le temps, au lycée et à la fac, ils voulaient l'envoyer dans une université londonienne ? Le ton de sa mère était ferme, il n'y avait pas lieu à discussion. Charlie était dégoûtée qu'ils l'envoient là bas. Chez son oncle, en plus. Son oncle qui avait juste six ans de plus qu'elle. Elle n'avait rien contre son oncle, elle l'aimait bien, mais en ces circonstances, elle avait envie d'hurler contre tout le monde. « Il est tout seul, vous ne serez que tous les deux, c'est un bon point ? Tu ne seras pas seule, et tu pourras lui tenir compagnie. Il a dit que ça ne le dérangera pas. » Et alors ? Elle s'en fichait de ça ! Elle voulait rester chez elle et pas aller dans une ville inconnue, pour faire genre qu'elle travaille ! En plus, ce sont ses parents qui ont, très lourdement, insisté pour qu'elle fasse des études de littérature. Injuste. Tel était l'adjectif qui revenait dans la tête de Charlie. « Mais... ! » « Il n'y a pas de mais, Charlotte. C'est comme ça et pas autrement. Commence à faire tes valises, tu pars la semaine prochaine. » Pour répondre à ses parents, elle partit dans sa chambre et claqua sans ménagement.

Et comme ses parents l'avaient voulu, elle était arrivée à Londres, alors que ses parents s'envolaient pour aller au Japon. Charlie était dégoutée que son oncle ne vienne pas la chercher. Quand elle était sortie du train, elle s'était arrêtée en plein milieu du quai, regardant autour d'elle, accusant le coup. C'était bien trop grand, c'était tellement différent. Sa contemplation ne dura que quelques secondes, elle commençait à se faire pousser par les londoniens pressés. Elle n'avait d'autre choix que d'avancer pour sortir de cette foule, qui commençait à l'étouffer. Après plusieurs minutes, elle réussit à trouver un endroit où il y avait peu de monde pour s'arrêter un moment, pour se remémorer comment aller chez son oncle. Elle était totalement perdue, ce qu'elle avait du mal à admettre. Elle regardait partout pour essayer de trouver le bon chemin, ou du moins la bonne direction. « Vous cherchez quelque chose ? Je peux vous aider ? » Charlie sursauta presque en entendant une voix, elle se retourna vers la voix en question, découvrant un homme. Encore un de ces londoniens ! Elle le regarda comme si c'était un monstre. Peut être était-il un monstre, peut être ne l'était-il pas. Mais Charlie n'avait pas envie de réfléchir. Elle prit ses affaires et se mit à courir loin de cet homme. Elle ne savait pas au fond pourquoi elle avait fait ça, mais peut être avait-elle peur des grandes villes, au fond. Peur d'être engloutie par ce flot de monde. C'était bien possible. Enfin arrivée à destination, Charlie cria sur son oncle toutes ses pensées à propos de Londres. Oui, elle n'aimait pas cette ville et elle ne voulait cruellement à son oncle qui n'était pas venu la chercher. Elle était insupportable avec ce pauvre homme, qui voulait juste rendre service à sa soeur. Après sa gueulante, la jeune fille alla s'enfermer dans une chambre pour déballer ses affaires, faisant bien comprendre à son oncle que ce n'était même pas la peine qu'il espère manger avec elle. Le soir, la curiosité de Charlie fut attirée par les petits coups tapés contre la porte de l'appartement de son oncle. Elle sortit uniquement la tête de la porte de la chambre, cherchant à voir qui venait d'arriver. Elle espérait que ce n'était pas une femme ! Ça aurait été très très gênant. Elle entendit alors une voix masculine, elle sentait qu'elle l'avait déjà entendu quelque part. Charlie sortit discrètement de la chambre, écoutant leur échange, commençant à fulminer contre l'inconnu qui était entré dans l'appartement. Il était bien sympathique celui là ! Elle décida alors de se montrer, lançant un regard noir à l'homme, qui était celui qu'elle avait rencontré à la gare. « Tonton tu as vraiment des amis malpoli et sans gêne. » Charlie ne resta pas une seconde de plus et partit de nouveau s'enfermer dans la chambre. Lui, elle ne l'aimait pas du tout.

Charlie faisait vivre un enfer à son oncle, elle avait des notes catastrophiques et elle savait très bien que sa mère ne sera pas contente. Elle s'amusait également à sécher les cours, ce qui, malheureusement, devient de plus en plus difficile depuis que son cher oncle adoré a demandé de l'aide à son meilleur ami, qui est un de ses professeurs. Le rêve total. Qu'est ce qu'elle a pu le détester ! Il osait l'appeler "petit poussin" ! Ça l'agaçait énormément, elle partait au quart de tour à chaque fois qu'il l'appelait ainsi. Et puis à un moment, elle s'est adoucie. Elle a pris conscience qu'il ne voulait que l'aider, il s'intéressait à elle. C'était un des rares à vraiment s'intéresser à elle, ça lui réchauffait le coeur, elle avait l'impression de respirer à nouveau dans cette ville qui ne cherchait qu'à l'engloutir. Charlie commençait à voir son professeur sous un autre angle. Peut être qu'elle n'aurait pas dû. Ou peut être qu'elle aurait dû le faire plus tôt. Elle était presque devenue comme les autres filles en cours, elle écoutait et le regardait, comme absorbée. Mais un jour, elle s'en ait rendue compte. Son coeur se serrait quand il souriait à ces filles superficielles. Elle devait arrêter ça. Elle ne savait pas ce que son coeur voulait lui faire comprendre, mais ça faisait trop peur, bien trop peur. Ses sentiments lui faisaient peur. Elle ne savait pas ce que c'était. Une attirance ? De l'admiration ? De l'amour ? Elle n'arrivait pas à qualifier ce qu'elle ressentait, elle avait peur à cause de ça. Alors, elle recommença à être insupportable, elle recommença à sécher les cours de plus en plus souvent, comme avant. Ses notes étaient encore plus catastrophiques. Et à chaque fois qu'elle essayait de sécher, il était obligé de la ramener en classe par le col ! Non, mais, la honte pour elle. Il avait essayé de lui donner des cours particuliers mais elle ne l'écoutait pas. Elle ne voulait pas lui donner de l'attention, elle ne le regardait plus, ne lui parlait plus. Lors qu'il lui parlait, elle ne daignait pas le regarder et restait silencieuse. Elle voulait qu'il abandonne, qu'il arrête de la regarder, pour que ces "sentiments" puissent partir. C'était son professeur, c'était le meilleur ami de son oncle. Même ainsi, son coeur faisait des siennes. Il se serrait encore quand ces imbéciles de filles cherchaient le regard d'Azraël, ces filles la dégoutaient. Elle n'avait pas du tout envie de se mêler à ces filles, très peu pour elle, plutôt mourir. Et un jour, après un cours avec monsieur le professeur, elle éclata, hors d'elle.  « BIEN SUR IL N'Y EN A QUE POUR LA SUPERFICIALITÉ ! » S'il aimait ce genre de filles, elle serait déçue. Charlie était en rogne avec tout le monde, même contre son oncle, qui allait être au bout de sa vie, le pauvre. Enfin, il ira encore pleurer dans les bras d'Azraël. Et Charlie, elle les écouterait parler sur elle, dans le couloir, le souffle coupé pour qu'ils ne l'entendent pas.